Photographie: une exposition universelle.

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Samedi 14 avril 1900 (1), de concert, le Président Émile Loubet et Alfred Picard, commissaire général (2), officialisent l’ouverture de la cinquième Exposition universelle de Paris depuis 1855. Un « Bilan du Siècle » qui, selon l’expression consacrée, n’en est pas moins un apogée de la photographie qu’un « triomphe des architectes ».
Place de la Concorde. Porte Monumentale dit Porte Binet d’une superficie de 2340 mètres carrés et 45 mètres de hauteur. Collection particulière DoubleExposition.

Dix-neuvième siècle, je te salue !

À l’angle du quai de la Conférence et du pont de l’Alma, au bord de la Seine, d’immenses salles sont aménagées dans le Palais des Congrès destiné à recevoir les sections respectives des cent vingt symposiums attendus. La photographie comprend à elle seule cinq sections : la physique photographique, le matériel photographique, la chimie photographique, la terminologie et la bibliographie photographiques, les questions légales et photographiques. Collection particulière DoubleExposition

Selon Victor Duruy retraçant en 1866 la généalogie d’une histoire populaire contemporaine de la France, l’idée des Expositions Périodiques date du Grand Siècle de Louis XIV pour les Beaux-Arts et de la Révolution pour l’Industrie. Toutefois, il faut patienter jusqu’en 1757 pour qu’une première ébauche réunissent les œuvres d’art puis 1798 pour permettre aux produits de l’industrie française de s’exposer à leur tour. Collection particulière DoubleExposition

Jusqu’en 1839 et la genèse du génie Niepce-Daguerre devant une Académie des Sciences présidée par François Arago à Paris, les législations souveraines de la propriétés des droits d’auteurs disposaient des décrets de l’An II de la République française des 19-24 juillet 1793. Conformément à l’article premier du dit décret, les auteurs d’écrits, les compositeurs, les peintres et dessinateurs, autrement dit « toutes les productions du génie et de l’esprit », leurs héritiers ou cessionnaires jouissent à vie du droit exclusif d’aliénation, de distribution ou de cession de la propriété de leurs ouvrages en tout ou en partie dans le territoire de la République. Néanmoins, il ne fut pas plus scabreux plaidoyer que celui de la photographie lorsqu’elle fut contrainte d’obvier aux arcanes de la justice comme le rapporte Jacques-Ernest Bulloz (1858-1942) et Alcide Darras (1861-1908) dans « La propriété photographique et la loi française » :

À dessein, la photographie et son émancipation s’imposent aisément comme le sujet de leur siècle au cœur même de l’exposition. À ce titre, conformément aux articles 5 et 6 du règlement interne, les quatre commissions chargées de proposer à l’étude le programme des questions à soumettre au Comité d’organisation du Congrès international de photographie dans sa séance du 31 janvier 1900 distraient deux questions fondamentales : la protection de la propriété des œuvres photographiques et l’assimilation complète des œuvres photographiques aux œuvres graphiques et artistiques, la distinction des droits de propriété et des droits d’emploi.

La sixième et ultime séance en date du 28 juillet 1900, placée sous l’égide des présidences de Davane puis du général Sebert, assoit les dernières volontés du Congrès quant à la préservation des œuvres photographiques et sur proposition, leur confère un état en tout point parallèle à celui des œuvres du dessin, de la lithographie et de la gravure. Dans ces conditions, le droit de propriété du cliché s’affranchit de son droit d’usage et ce, bien que le Congrès reconnaisse la légitimité substantielle acquise de ce droit à l’opérateur. Celui-ci ne peut jouir parallèlement de son droit d’emploi. Une protection des œuvres produites par l’objectif que E. Cousin, secrétaire-agent de la Société française de photographie ratifie dans le Bulletin annuel.

Paris, Exposition Universelle de 1900. Vue des quais de Seine. Numérisation positive à partir d’un négatif d’époque sur plaque de verre. Collection particulière DoubleExposition

L’arrêté conditionnel de février 1900, sous l’impulsion du ministre du Commerce et de l’Industrie Alexandre Millerand (1859-1943), conditionne le droit à l’image dans l’enceinte de l’exposition centennale. En vertu de ce dernier, seuls les appareils dits « à main » s’affranchissent de toutes réglementations puisque exempt de tous droits durant la durée d’ouverture au public. Au contraire, les appareils à pied sont soumis au double impératif administratif et pécuniaire. À l’autorisation manuscrite délivrée par le commissaire général Alfred Picard et à l’assujettissement d’une redevance de 1000 francs par appareil, les opérateurs se voient strictement appesantis par le poids du temps puisque l’usage des appareils à pied ne peut excéder une heure de l’après-midi. De surcroît, une mention remarquable est rédigée quant à la captation des objets exhibés. Ces derniers sont au même titre conditionnés à une autorisation manuscrite de l’exposant. Aussi, les principaux intéressés se voient contraints de solliciter, auprès des commissaires généraux étrangers et des concessionnaires, l’aval indispensable à la reproduction de leurs palais et pavillons. Un formalisme annihilé de toute considération technique que dénonce Léon Vidal (1833-1906) président de la Commission permanente des travaux en avril 1900 dans sa revue internationale et universelle : Le Moniteur de la photographie.3

Paris, Exposition Universelle de 1900. Numérisation positive à partir d’un négatif d’époque sur plaque de verre. Collection particulière DoubleExposition

  1. L’exposition Universelle de 1900 est recensée comme la quatorzième exposition reconnue par le Bureau International des Expositions. Il s’agit de la cinquième exhibition instituée à Paris depuis 1855. ↩︎
  2. Alfred Picard est chargé dés 1889 par Tirard, du rapport d’exposition de la même année. ↩︎
  3. Le 15 janvier 1900, Léon Vidal dénonçait l’omnipotence et l’absurdité du Comité dont les nombreux prétextes bureaucratiques ↩︎